ça remue
15 et 16 octobre 2020
Musée dauphinois, Grenoble
Ça Remue ! associe des porteurs de savoirs scientifiques, artistiques et vernaculaires qui questionnent les usages du monde et qui les redéployent joyeusement.
Pendant 3 jours, débats et conversations, performances et installations artistiques autour des Usages du monde.
La quatrième saison de PAYSAGE>PAYSAGES aborde le paysage par le dépaysement. On se sent parfois dépaysé devant un paysage, sans pourtant parvenir à cerner ce qui nous
déconcerte, nous désoriente ou nous égare dans ce qui se tient face à nous, irréductible à nos expériences antérieures. De nouvelles émotions prennent forme, encore chancelantes,
fragmentaires, équivoques, qui pourront lentement gagner en consistance, se clarifier.
Cette quête du dépaysement a été longtemps une expérience esthétique rare, une recherche d’harmonie méditative ou initiatique. Certaines figures vagabondes comme Victor Segalen ou
Nicolas Bouvier furent véritablement poreuses, traversées par le monde et ont rédigé des carnets éblouissants sur ses usages possibles.
Mais dans la plupart des récits de voyage, l’exotisme a évité l’expérience troublante de l’altérité. Le timbre-poste, la carte postale, la page de veille des écrans d’ordinateur ou le
dépliant d’agence de voyages sont en quelque sorte les icônes insouciantes et illusoires de cette banalisation du dépaysement. Les paysages lointains se sont imposés dans
nos imaginaires comme des décors hors sol, débarrassés des lignes de force dérangeantes qui les innervaient en profondeur.
Souvenirs de voyage
Douglas White
I N S TA L L AT I O N
Nous avions prévu d’inviter cet artiste anglais à s’installer durant plusieurs semaines dans un espace forestier pour mettre à jour les systèmes racinaires. Par soustraction minutieuse des couches d’humus, avec des outils et une méthodologie d’archéologue, Douglas révèle le réseau inextricable et les fragiles interactions, les complicités entre les différents arbres, arbustes, buissons, champignons qui tissent sous terre par des milliers de fils fongiques vivants, un tapis de câblages des mycorhizes reliant les arbres en gigantesques communautés.
Mais les contraintes sanitaires lui ont imposé une approche tout autre. Le mot dépaysement n’existant pas en langue anglaise, Douglas a collecté auprès des sociétés d’autoroute de la région des lambeaux de pneu abandonnés sur les bas-côtés qu’il tresse ensuite comme s’ils constituaient désormais, au même titre que les joncs, l’argile ou la pierre, la matière même du pays.
Le parlement des nuages
Anaïs Tondeur
I N S TA L L AT I O N
Un ballon-sonde météo équipé d’un filtre à particules taquine chaque jour les nuages. Expédié dans l’atmosphère au voisinage du Mont Aiguille, il collecte et documente les particules de carbone rencontrées. Ces particules sont ensuite extraites des fibres du filtre dans un bain d’ions afin d’être transformées en encre, puis celle-ci en tirages photographiques. Ainsi, le tirage de chaque photographie est réalisé à partir des particules de noir de carbone collectées le jour où l’image fut captée. Ici, le ciel n’est plus un élément sublime du paysage, détaché de nos vies, mais l’indice inquiétant d’une atmosphère précipitée dans une ère nouvelle.
Le chant de l’aurore
Marie-Pascale Dubé
P E R F O R M A N C E V O C A L E
Cette comédienne-performeuse s’exprime avec des sons formés depuis l’enfance, des sons qu’elle ne sait pas alors qualifier, des sons qui s’échappent de sa gorge en conservant
la présence opiniâtre d’autres états et d’autres lieux du corps. Aspirations, râles, vibrations, halètements, souffles, rien dans ce chant ne ressemble à la voix étalonnée en Occident. Plus tard, Marie-Pascale Dubé saura que ces formes chantées ont déjà existé, dans les chants de gorge animistes nord-américains. Elle ira l’apprendre auprès d’une mentore Inuk, expérience qui changera non seulement sa vision de l’histoire de son pays natal, le Canada, mais bouleversera son histoire intime, sensible, son rapport à la nature et au cosmos. Son chant continue d’évoluer en elle, de la surprendre, de la dépasser et dessine sa propre ligne de temps.
Les chanteurs d’oiseaux
Jean Boucault et Johnny Rasse
P E R F O R M A N C E V O C A L E
Ces faussaires nous invitent à traverser le paysage, l’oreille attentive au moindre virtuose caché dans les sous-bois.
Merle, grive musicienne, sittelle torchepot, fauvette à tête noire, pouillot véloce, mésange, rouge-gorge… ils parviennent à reproduire à l’identique chaque concertiste, à lui répondre
en improvisant une conversation éblouissante, renouvelée au fil de la marche avec les différentes espèces présentes ce jour-là sur le site.
À petite dose, ose…
Marie Chéné et Sophie Vaude
P E R F O R M A N C E P O É T I Q U E
Poète et plasticienne, Marie Chéné joue avec les syllabes et les sons. Elle s’attache aux mots et aux fragments de phrases « déjà-là » ou « déjà écrits » pour mieux en souligner les
richesses. Durant l’automne 2016, elle a repéré divers lieux d’écho en Isère à l’invitation de PAYSAGE>PAYSAGES. Puis elle a écrit pour les parois afin que l’écho complète ses phrases :
« Cherchez le mur » complété par l’écho donne « Cherchez le murmure », « À petite dose » devient « À petite dose, ose » et, dans un lieu où l’écho est plus long, « Jamais l’étonnement »
se transforme en « Jamais l’étonnement ne ment ». Les paysages sont ainsi faits de mots, de noms propres ou communs, de phrases qui tentent de dire nos émotions. En duo avec la comédienne Sophie Vaude, Marie Chéné nous invite ici à tester les qualités acoustiques des murs du cloître et de la chapelle.
À côté du réel
De Rachid Ouramdane
Interprété par Lora Juodkaite
P E R F O R M A N C E D A N S É E
Danseuse de longue date au côté de Rachid Ouramdane, Lora Juodkaite est reconnue pour sa pratique vertigineuse et exceptionnelle de la giration. Elle pratique ce tournoiement
depuis l’enfance, comme un rituel quotidien qui la transporte dans un état second. Ce mouvement intrigant et hypnotique plonge le spectateur dans un état particulier qui l’invite à
redécouvrir et contempler le lieu sous un angle inconnu. De cette expérience troublante, jaillit une complicité, une intimité intense avec ce qui traverse cette femme.
Intensité des nuages
Philippe Mouillon
D É R I V E P O É T I Q U E
Contempler les nuages est une activité offerte à tous, et qui n’exige que de l’attention, de la sensibilité et de la patience. Pour s’y livrer, il vaut mieux attendre une météo capricieuse
et incertaine. On peut jouer à plusieurs, en s’accoudant par équipe à chacun des puits jumeaux du cloître, puis en comparant à voix basse les figures extravagantes apparues dans chacun des reflets. On peut aussi jouer seul, en plongeant son regard afin de contempler le ciel gisant sous terre comme une promesse.
Fabularium / Hélène Michel
P E R F O R M A N C E P O É T I Q U E
Montée Chalemont et les extérieurs du musée dauphinois Ce dispositif invite le passant à écrire une lettre d’amour, de regret ou de rupture au paysage. Mais si c’est une rupture, est-ce alors un dépaysement ? Installés en plein air, ce bureau mobile et sa machine à écrire offrent un moment protecteur au participant pour porter son attention sur un détail du paysage. Ces lettres qu’elles soient émouvantes, laconiques, drôles ou crues seront autant de signaux sensibles d’un paysage réinterprété.
Organisé par LABORATOIRE avec le soutien de l'IDEX-Université Grenoble Alpes